Mauvaise ambiance au travail.
Quand l’air devient irrespirable, il devient urgent pour certains de quitter le navire et c’est bien normal si rien ne se passe pour que ça aille mieux. Ici l’indicateur le plus fiable est l’émotion, le ressenti. Parfois je détecte la mauvaise ambiance à l’instant même où j’arrive dans une entreprise par le type d’échange, le cloisonnement, le manque d’énergie vitale, l’absence de sourires, l’apparence triste des collaborateurs… la chaleur ou pas d’un accueil, le repli sur soi, un climat lourd et plombé.
Je rencontre des collaborateurs en mal du dimanche soir, tout comme un collégien qui dès le dimanche dix-sept heures, commence à angoisser à l’idée de devoir retrouver les bancs de l’école.
Quand dans l’entreprise il n’y a pas de plaisir, les personnes sont dans l’évitement de quelqu’un, d’une remarque, d’un projet… Il y a une manière de se parler, juste pour dire l’essentiel, le nécessaire pour bien mener son travail… « parce qu’il faut bien avancer et qu’on n’a pas le choix ». L’air de se traîner en tirant un boulet au pied, et de travailler avec la boule dans la gorge et le nœud au ventre.
L’humour dans un tel contexte n’a plus sa place, et la liberté de l’authenticité et de la confiance non plus.
Yvon, l’homme qui démissionnait par intérim
J’ai vu il y a quelques années dans une entreprise où je me suis présentée à la toute première heure, quelques papiers au sol, ici et là, comme si une personne était passée par là et avait glissé ces missives sous les portes. À l’époque, Internet n’existait pas. Aujourd’hui la symbolique du geste et la facilité feraient en sorte que le moyen unique de communication soit le mail, pour éviter toute confrontation. À l’époque, ce chef d’entreprise Yvon, se trouvait dans un tel mal-être et dégoût, qu’il venait glisser les messages sous les portes de bureaux encore fermées à clé pour certaines avant l’arrivée des collaborateurs, pour ne pas avoir à les rencontrer, à faire face et peut-être en souffrir. L’ambiance était telle que le directeur lui-même n’osait plus déambuler dans les couloirs de l’immeuble, tant il avait été déçu de certains comportements. « J’ai pourtant tout fait pour eux. J’ai tout donné et ils n’ont aucune reconnaissance » me disait-il. « J’ai investi jusqu’au dernier centime de mes économies pour moderniser l’entreprise. J’ai ruiné mon couple pour rattraper les retards, pris sur mes week-ends avec mes enfants… et ils me jugent mal, sans me connaître vraiment. » Cet homme n’avait plus la force ni le courage d’occuper sa place de dirigeant. Il avait démissionné en adoptant un comportement de retrait, complètement déprimé.
Une belle ambiance est tout l’inverse d’avoir à se cacher pour communiquer, ou de monter des stratégies impensables pour éviter de se croiser, et de se parler. Comment travailler ensemble dans un tel contexte ? C’est juste mission impossible ! L’entreprise meurt étouffée par son mal-être.
Quand l’ambiance est plombée, elle finit par nuire au moral et à l’énergie vitale. Il y a danger pour le bien-être et aussi pour la santé des collaborateurs.
Tous Responsables !
Tout le monde doit être acteur du climat d’ambiance. Même avec la meilleure volonté qui soit, un seul individu ne peut pas porter à bras-le-corps l’assurance que tout aille bien entre les personnes et pour chacune d’elle. Le relais doit être pris individuellement. Chacun a sa pierre à mettre à l’édifice. Et pour ce faire il est nécessaire de rétablir les règles assurant le respect, l’autonomie, la confiance… aider les personnes à savoir manager leurs émotions, à mieux communiquer en sachant correctement s’affirmer, en respect de leurs besoins et aussi de ceux de l’autre. La présence au terrain doit être telle qu’elle permette d’identifier les dérives de comportement, les dénoncer au grand jour et les recadrer. Et si le changement n’est pas souhaité, il est parfois nécessaire de faire le ménage en mettant un terme définitif aux nuisances. C’est vital pour une entreprise. Vous vous demandez ce que j’entends par nuisances ? Tout simplement, le refus de travailler ensemble, les colères à répétition, les insultes, la communication blessante et malveillante, répétée encore et encore, et aussi le type de management glacial et terrorisant. Si tout cela a eu sa place dans une forme de management passéiste, il est inconcevable de laisser faire de nos jours. D’ailleurs des lois existent pour protéger les travailleurs, et assurer leur bien-être, santé physique et psychologique. Et fort heureusement !
Lorsque l’indicateur du turn-over est anormalement élevé et de façon continue, alors il est temps de descendre du vélo et d’observer ce qu’il se passe vraiment. Inutile de se raconter des histoires et de faire comme si tout allait bien. Ça ne va pas bien ! Personne n’abandonne son travail juste sur une envie ou pour le simple plaisir de faire autre chose sans préparer ses arrières, sur un coup de tête. Ceux qui décident de prendre un virage, en général en parlent, préparent et le font doucement savoir. Donc là il y a autre chose… Et quand à dix-sept heures tapantes, la seule motivation commune qui rassemble encore les collaborateurs est celle de quitter l’entreprise en fin de journée sur le champ, alors on sait qu’individuellement, ils sont nombreux à avoir attendu à chaque minute qui passe, le moment du gong !
Observez, d’autres repères de vie existent dans ces moments-là comme tous ces yeux rivés sans relâche sur l’écran, sans jamais un regard croisé, un sourire partagé. La personne quitte son poste pour faire ce qu’elle a à faire sans détour, sans s’attarder à dire bonjour. Les tasses à café sont rapportées de la maison, et le moment de dégustation se fait uniquement sur le poste de travail… Les distributeurs de machines à café n’ont qu’à bien se tenir, les gobelets usagés sont de moins en moins nombreux dans la poubelle. Le scénario de Caméra Café reste terne et sans vie.
Le mois dernier j’observais dans une entreprise le rituel du sandwich pris dans la voiture, sur le parking, alors que le plat du jour, pourtant convivial et offert aux collaborateurs est assuré tous les jours dans la cantine de l’entreprise. C’est que vraiment l’air sera devenu malsain pour quelques personnes, et il est important de comprendre en quoi.
Extrait du livre “La dépendance affective au travail” de Geneviève Krebs, paru chez Eyrolles.