L’audit en situation de crise

Lorsqu’une entreprise se trouve au cœur d’une situation de crise (situation de cessation de paiement, perte de trésorerie, grève des salariés, fin de vie du produit, abandon des fournisseurs, litiges collectifs ou individuels avec clients ou partenaires,  etc), elle a souvent tendance à tout vouloir mettre en veille, voulant prendre de la hauteur, réfléchir, ou alors tout simplement éviter diverses pressions internes et externes.

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L’audit au moment de la crise est? lorsqu’il est mené de façon spécifique, l’outil incontournable pour bien comprendre la situation, effectuer des constats, détecter les opportunités, s’ouvrir à une possible autre vision et avancer pour sortir grandi de la situation.

L’auditeur dans ce type de situation devra prendre en mains la situation, en abordant les questionnements de base, ceux qui servent à la prise de décision, au positionnement, ou à toucher du doigt l’origine de la crise. Cet article, par ces différents points met en avant la façon de faire et d’être de l’auditeur, dans ce cas précis de situation de crise.

1. Une façon bien particulière d’auditer en cas de crise

Le jeu de l’audit consiste ici en un va et vient d’observations, de constats, d’accompagnement et de suivi. Il ne peut être efficace en s’inscrivant uniquement sur une action ponctuelle. Le contexte interne et externe étant trop fluctuant, l’observation d’un moment n’aurait rapidement plus aucun sens et l’apport pour l’entreprise insuffisant voire inutile.

La fréquence d’audit varie selon les situations? S’il n’y a pas de règles fixes, il peut être préconisé des rencontres de semaine en semaine dans les situations les plus graves, ou mensuelles lorsque la situation peut avoir l’aisance d’une vision plus lointaine.

De rencontre en rencontre, l’auditeur porte une attention particulière sur son rôle de facilitateur, de coach, celui qui par ses questions permet d’y voir plus clair, et de définir la/les suites possibles. Seulement, les questions ne peuvent être posées de façon aléatoire ou privilégiant un domaine plutôt qu’un autre. Un plan d’audit adapté à la situation de crise doit être scrupuleusement suivi pour permettre à la direction de piloter selon les trois plans, tous importants dans ce cas : l’opérationnel (le nez dans le guidon), le moyen terme et le long terme. L’audit de la direction prend une place importante et récurrente.

Avec elle, l’auditeur doit orienter sa démarche pour :

–          Comprendre la situation selon la perception de la direction (l’interne). Comment la situation est vécue ; quels sont les risques qui en découlent, ou les opportunités qui se démarquent, les croyances, les peurs et les premières décisions prises à la hâte, etc ;

–          Comprendre (si possible) la situation selon la perception externe (certains clients, partenaires, concurrents). C’est une étape délicate qu’il ne convient pas toujours de réaliser, mais lorsqu’elle est possible, elle permet de mesurer l’impact de la situation sur l’environnement et d’évaluer l’image du moment de l’entreprise ;

–          Identifier l’existence d’une vision stratégique. Bien souvent, l’état de crise bloque la direction sur la résolution de la situation, la gestion du quotidien, quasiment en état de gestion au jour le jour, événement par événement. Le rôle de l’auditeur ici est de l’aider par son questionnement à prendre à nouveau de la hauteur en projetant l’entreprise dans le long terme, dans une vision stratégique optimiste et réaliste malgré la situation, avec des objectifs précis, même s’ils sont peu nombreux. Au fil des audits de suivi, il permettra une définition claire du chemin visé. Cette étape est incontournable car c’est là que reposent les critères qui font vivre le leadership, la confiance en l’avenir, l’espoir d’un mieux et le fil conducteur à suivre ;

–          Faciliter ce challenge visé à long terme en définissant des étapes intermédiaires qui donnent une vision à moyen terme avec des objectifs et des tactiques pour y parvenir.

Le rapport d’audit doit être précis car la direction va s’appuyer dessus comme une béquille, des rendez-vous pour :

–          Mesurer les premiers résultats ;

–          Ajuster les décisions ;

–          Etudier les événements ;

–          Préparer les communications internes et externes ;

–          Accompagner et faire grandir les prises de conscience ;

–          Mesurer l’implication ou les découragements ;

–          Prendre en compte les contraintes et les nouvelles opportunités.

Chaque rencontre permet de donner du sens à ce qui se passe et de pouvoir agir, réagir plutôt que subir. Une situation de crise peut selon sa gravité, puiser dans les énergies des personnes (direction ou collaborateurs), et par là, les rendre inactifs par découragement, par épuisement, ou tout simplement par manque de vision, ne sachant plus comment gérer la situation ou partant défaitistes.

  1. La dimension humaine

Comprendre reste à tout jamais l’incontournable critère qui fait l’équilibre humain. Pouvoir donner du sens à ce qui se passe, à ce qui va être l’avenir, sauvegarde l’énergie qui permet d’agir et s’impliquer.

Expliquer, rassurer, dire la vérité, demander, impliquer, rassembler, compléter la vérité en donnant des faits réels, en donnant du sens à la réalité quotidienne, en posant des mots sur la situation vécue etc.  est indispensable, mais pas à n’importe quel prix et pas n’importe comment.

L’auditeur peut aider la direction par une écoute interne à sonder la perception qu’ont les collaborateurs de la situation, les questions qu’ils se posent, les convictions qu’ils ont, leurs attentes.

Il aide également à la préparation des messages internes importants et la planification de leur annonce. Le rôle de l’auditeur est celui d’un superviseur d’actions. Sans agir lui-même, il apprécie l’efficacité des actions et les fait évoluer vers la performance en continuant à poser ses questions au moment même où le plan d’actions se réalise.

La communication reste un des facteurs clés de réussite. C’est un élément qui doit être pris en compte par l’auditeur dès le début de son action. C’est le domaine le plus délicat à gérer. L’erreur dans ce domaine pourrait aggraver la situation de crise.

Dire n’est pas suffisant. Ecouter ce qui a été compris et ce que l’information suscite comme réaction et interrogation est incontournable pour que la communication du message soit complète. Tout n’est que perception. Il est donc indispensable de compléter le message pour s’approcher de la vérité que l’on vise.

Le message est transmis par la direction, celui qui porte en lui le leadership, celui que les collaborateurs doivent avoir envie de suivre même en plein brouillard. Même si l’auditeur peut profiter des moments d’audit pour rappeler la voix de la direction et les messages important, ce n’est pas à lui, initialement, de faire les annonces collégiales et porter la communication stratégique. Exception faite d’une très grande difficulté au niveau de la direction, comme par exemple un état de fatigue psychologique intense, un burn out, un état dépressif, qui demande une assistance de l’auditeur pour parvenir à remplir cette mission dans les meilleures conditions. A ce moment là, l’auditeur parle en présence et sous contrôle de la direction ou d’un comité de direction. Si la communication est fondamentale, la gestion des émotions l’est tout autant. Son aspect « contagieux » peut faire en sorte, selon ce qui est vécu, de propager une démotivation en un rien de temps. Mais ce qui est intéressant c’est qu’à l’inverse, du courage,  de l’envie d’avancer, de la confiance,  découlent également une envie de s’impliquer en équipe.

Derrière une émotion négative se cache souvent de la peur ou une valeur bafouée, oubliée, trahie ou manquée. On touche là soit la chaine de valeur de la personne ou l’éthique de l’entreprise. L’état émotionnel est souvent laissé pour compte, en se disant, qu’il est normal en de telles circonstances, ou que cela passera, ou encore que la gestion des émotions est une affaire personnelle qui doit être laissée à l’initiative individuelle. En s’y intéressant, on y détecte pourtant des richesses pour construire le code de valeurs de l’entreprise, appuyer les communications internes sur ce qui percute et marque l’individu, et enfin c’est une porte convaincante pour fonder les bases de l’implication. Ici, ce sont les compétences de coach de vie professionnelle que l’auditeur adopte.

  1. Fréquence de l’audit et présence dans le temps

L’audit par temps de crise est un audit particulier. Pour être efficace, la planification des rencontres s’installe dans le temps par des rencontres régulières, intensives au début et sous forme de mini audit rapprochés au fur et à mesure que la situation s’arrange.

Comme il est nécessaire pour l’entreprise de pouvoir connaitre la vision et perception interne et externe de la situation, l’auditeur alterne les audits internes et externes. Il devient les yeux et les oreilles pour l’entreprise. Les éléments qu’il remonte par ses audits de constat apportent des clés pour asseoir les choix et décisions.

L’auditeur suit l’entreprise dans la mise en place d’objectifs, de tableaux de bord, d’indicateurs. Et selon les résultats, par son questionnement, il permet à la direction d’affiner sa stratégie, au besoin de la repositionner et de piloter au plus juste.

L’auditeur devient un partenaire dans la traversée du moment. Il fait appel à ses qualités et compétences en tant que facilitateur, accompagnateur et coach. Sa qualification doit comprendre tous les aspects psychologiques des situations et des états émotionnels de crise. Tout en veillant à bien rester dans l’accompagnement par le questionnement et non l’accompagnement par la préconisation (l’audit n’est pas du conseil, tout comme le coaching n’est pas du conseil non plus.), il permet de façon constante, cette remise en question dont a besoin l’entreprise, et de faire remonter les solutions propres à l’entreprise, auxquelles chacun va adhérer. De la même façon, ses questionnements permettront aux personnes en difficulté psychologiques de savoir surmonter leurs états et blocages.

L’auditeur, dans sa façon d’être, doit savoir jongler entre la bienveillance, la droiture et la fermeté. L’entreprise aura parfois besoin d’être encouragée, rassurée, boostée et tantôt, elle aura besoin d’être recadrée à la vue de certains faits ou de risques se faisant de plus en plus présents. Le découragement étant très présent dans ce type de situation, autant au niveau de la direction que des équipes, l’auditeur veille à chaque instant à ce que chacun parvienne à retrouver son second souffle de motivation. A chacune de ses présences, c’est une énergie nouvelle que retrouve l’entreprise pour parvenir à faire ce qui est prévu entre deux audits.

Cette façon d’auditer est très particulière et délicate. Elle doit être réservée aux auditeurs qualifiés en psychologie d’entreprise ou coaching de vie. Elle demande des compétences et un savoir-être très orientés vers la relation d’aide de type coaching par le questionnement et la résolution de problèmes. Et en même temps, l’œil avisé de l’auditeur sait jouer avec les différentes clés de l’intelligence émotionnelle. Il en fait des atouts pour réussir sa mission.

  1. Conclusion : la crise, quoi qu’on en dise, reste une opportunité de mieux se connaitre

Une fois la situation gérée, et l’orage traversé, c’est au niveau humain que les constats se font :

–          Les équipes se sont rapprochées ;

–          La direction y voit plus clair. Elle sait sur quoi elle peut désormais s’appuyer ou pas ;

–          L’activité est mieux positionnée et mise en valeur ;

–          Les forces et les faiblesses de l’entreprise sont identifiées et comprises de tous ;

–          L’organisation interne est améliorée, et bien souvent, simplifiée ;

–          La performance est mesurée et davantage maîtrisée ;

–          Les procédés font preuve d’innovation.

 

Pour traverser la tempête, il a fallu faire preuve d’écoute, d’attention, de remise en question permanente, de persévérance, de courage, et de savoir faire en termes de négociation, de communication, de management, de leadership. Chacun a du sortir de sa bulle pour travailler ensemble. En regardant l’autre, j’apprends à mieux me connaitre aussi. En regardant l’autre, j’apprends à m’adapter, à comprendre, à m’ouvrir… même si pour cela, l’affrontement est parfois la seule voie que l’on trouve, notamment pour gérer le stress généré par la situation. In fine, puisque tout le monde est dans le même bateau, (appuyé et aidé par le travail de l’auditeur, et les réflexes de l’instinct de survie), le chemin qui rassemble et fédère est rapidement identifié.

Pour l’auditeur, chaque expérience de ce type est une opportunité d’évaluer ses capacités au pilotage de ce type d’audit qui s’installe dans le temps et qui n’a d’autre alternative que le challenge du résultat d’un mieux, et de la réussite.

 

Copyright, Krebs Geneviève – 2014 . Auditrice et Formatrice depuis 19 ans.  Coach pour la performance individuelle et collective s’appuyant sur les principes de la créativité et les méthodes de résolution de problèmes pratiques et psychologiques. Auteure d’une dizaine d’ouvrages parus chez AFNOR Editions, Ifem et Chronique Sociale.

 

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